Chapitre 3 - Les cryptes oubliées

Le tentacule s'abat sur l'épaule de Marcus avec une violence surnaturelle. Le moine réagit instinctivement, roulant sur le côté dans un mouvement fluide appris durant ses années de formation. Le tentacule ne rencontre que le vide, fouettant l'air dans un sifflement menaçant.

La créature émerge pleinement des ténèbres. Son corps serpentin se termine par quatre tentacules munis de crochets acérés qui ondulent avec une grâce hypnotique et mortelle. Sa peau écailleuse, d'un gris verdâtre, semble absorber la lumière des torches. Des yeux multiples, luisants d'une intelligence primitive et vorace, fixent les intrus avec une faim insatiable. C'est un Grick — un prédateur des profondeurs qui hante les tunnels souterrains depuis des temps immémoriaux.

Marcus riposte immédiatement. Son bâton de marche siffle dans l'air et frappe la créature au flanc. Mais au lieu du craquement satisfaisant d'os brisés, il ne ressent qu'une résistance caoutchouteuse. Les écailles du Grick, épaisses et résistantes, absorbent l'essentiel de l'impact. La bête rugit — un son guttural qui fait vibrer l'air humide — mais elle ne recule pas.

Le moine enchaîne alors avec une série de coups rapides, puisant dans les dernières réserves de son énergie vitale. Ses poings martèlent la créature dans un déluge de coups précis, visant les articulations et les points faibles. Chaque impact résonne sourdement, mais les écailles protectrices du Grick continuent d'atténuer les dégâts.

Cassius réagit depuis l'arrière du groupe. Ses doigts tracent des motifs complexes dans l'air tandis qu'il invoque les forces arcaniques. Trois projectiles d'énergie pure se matérialisent devant lui, vibrant d'une lueur bleutée électrique. Il les projette d'un geste sec, et les missiles magiques filent droit vers leur cible.

Les projectiles percutent le Grick en pleine masse. Cette fois, la créature accuse vraiment le coup. Elle se tord de douleur, ses tentacules fouettant l'air frénétiquement. Les écailles qui résistaient si bien aux armes physiques ne peuvent rien contre la magie pure. Le Grick pousse un cri strident qui résonne dans tout le souterrain.

Korven se précipite en avant, son épée levée pour un coup puissant. Mais la créature, bien que blessée, demeure incroyablement agile. Elle ondule sur le côté, et la lame du guerrier ne rencontre que la pierre du mur dans une gerbe d'étincelles. Le Grick riposte immédiatement, un tentacule cinglant vers les jambes de Korven, mais le guerrier bondit en arrière juste à temps.

Gilda invoque alors la puissance de son dieu. Elle tend la main vers son marteau de guerre, et une incantation sacrée franchit ses lèvres. Le métal de l'arme commence à rougeoyer, puis à blanchir, irradiant une chaleur intense. Des flammes dansent le long du manche, transformant l'arme en un instrument de jugement divin.

« Par le feu sacré, sois purifié ! » s'écrie-t-elle en s'élançant.

Mais dans son empressement, elle sous-estime la chaleur de l'enchantement. Au moment où elle lève le marteau pour frapper, la chaleur intense traverse ses gantelets. La douleur fulgurante lui fait lâcher prise, et le marteau incandescent tombe au sol dans un bruit métallique, projetant des escarbilles.

Le Grick profite de cette ouverture. Ses tentacules fusent vers Marcus, mais le moine, épuisé par ses attaques précédentes, parvient encore une fois à esquiver. Les crochets acérés déchirent sa tunique sans atteindre la chair.

Marcus comprend qu'il ne peut plus se permettre d'affronter directement la créature. Il rassemble les dernières bribes de son énergie intérieure et exécute une technique de désengagement, se déplaçant avec une vitesse surnaturelle pour mettre de la distance entre lui et le prédateur. Il recule de plusieurs pas, haletant, son bâton toujours en garde.

Cassius, voyant ses compagnons en difficulté au corps à corps, décide de créer une diversion. Il invoque un tour de magie mineur, faisant jaillir des étincelles lumineuses autour du Grick pour détourner son attention et donner un avantage à Korven.

Le guerrier, encouragé par cette aide, se campe sur ses pieds. Plutôt que de lancer une attaque téméraire, il adopte une posture défensive, son épée tenue en travers de son corps comme un bouclier improvisé. Ses yeux ne quittent pas la créature, anticipant chaque mouvement, prêt à esquiver ou à parer.

C'est le moment que choisit Gilda pour frapper.

Elle ramasse son marteau, désormais habituée à la chaleur intense. Les flammes sacrées lèchent le métal, mais elle tient fermement la poignée. La naine charge avec un cri de guerre qui résonne dans tout le souterrain.

Le marteau s'abat sur le Grick avec une force décuplée par la rage et la détermination. L'impact est dévastateur. Le métal incandescent perce les écailles protectrices comme du parchemin, s'enfonçant profondément dans la chair de la créature. L'odeur de chair brûlée emplit instantanément l'air.

Le Grick hurle une dernière fois — un son aigu et déchirant qui se transforme en gargouillis. Son corps massif se convulse violemment, les tentacules battant l'air dans une danse macabre. Puis, dans un grondement sourd, la créature s'effondre. Ses tentacules se raidissent une dernière fois avant de s'immobiliser définitivement.

Le Grick gît au sol, fumant, un large trou béant dans sa carcasse là où le marteau incandescent de Gilda a porté le coup fatal. Des viscères noirâtres s'écoulent sur la pierre froide, et une odeur âcre de chair brûlée emplit l'air confiné des souterrains.

Marcus s'appuie contre le mur rugueux, la tunique déchirée révélant les plaies sanglantes que les crocs de la bête ont laissées sur ses côtes. Son souffle est court, saccadé, et Gilda se précipite à ses côtés.

« Laisse-moi te soigner », dit-elle d'une voix ferme en posant ses mains sur les blessures du moine.

Une lueur dorée, douce et chaude, émane de ses paumes. Marcus sent les chairs se refermer, les déchirures se suturer sous le toucher divin de la naine. La douleur reflue comme une marée descendante, et il peut enfin respirer normalement. Sous la tunique lacérée, la peau est à nouveau intacte, ne gardant que le souvenir ténu de la violence subie.

« Merci, dame Gilda », murmure Marcus avec reconnaissance.

« C'est mon dernier soin », prévient-elle gravement. « Il va falloir être prudents désormais. »

Le silence retombe sur le petit groupe, troublé seulement par le souffle rauque de leurs respirations et le crépitement lointain de l'humidité qui suinte des murs. Korven s'approche du recoin d'où la créature a surgi, scrutant les ombres avec méfiance.

« D'où est-elle venue ? » demande-t-il en examinant l'anfractuosité.

Ce n'est qu'un simple renfoncement dans la paroi rocheuse, un angle mort où la bête s'était tapie en attendant sa proie. Marcus frissonne en songeant qu'il est passé juste devant sans la voir.

Cassius, pragmatique, observe les murs de terre et de roche qui les entourent. « Nous devrions continuer notre exploration », propose-t-il. « Mais restons vigilants. »

Ils se remettent en marche dans les couloirs tortueux du donjon souterrain. La dague de Cassius a marqué leur passage sur les murs à intervalles réguliers, laissant des entailles dans la terre compacte qui leur serviront de fil d'Ariane.

Le couloir débouche sur une série de cryptes taillées à même la roche. Des blocs de pierre massifs obturent l'entrée de ces tombeaux anciens, et l'atmosphère y est lourde d'un sacrilège oublié. Marcus reconnaît le premier tombeau qu'ils ont découvert en descendant l'escalier en colimaçon.

« À gauche et à droite, ce sont d'autres sépultures », observe-t-il en désignant les portes closes. « Nous n'avons pas encore exploré celles-ci. »

Korven s'avance vers la porte de gauche et l'ouvre avec précaution. Le grincement des gonds résonne sinistrement dans l'espace confiné. Au-dessus du linteau, un nom est gravé dans la pierre : Rosavalda Durst.

La crypte est simple, presque austère. Un cercueil de bois sombre repose sur un catafalque de pierre sculptée, l'estrade funéraire qui lui était destinée. Mais lorsque Korven soulève le couvercle, il découvre que le cercueil est vide.

Le guerrier se retourne vers ses compagnons. « C'est le cercueil de Rose », dit-il d'une voix grave.

Marcus s'approche, portant avec révérence les ossements enveloppés dans un linceul qu'il a confectionné à l'étage supérieur. Les petits os fragiles de la fillette, morte de faim dans sa chambre murée, méritent enfin le repos qui leur a été refusé.

« Faisons une prière », suggère Gilda.

Le groupe se rassemble autour du cercueil. Gilda lève son symbole religieux et entonne une oraison solennelle à son dieu. Marcus, bien que désabusé de sa foi depuis longtemps, incline la tête avec respect. Korven et Cassius demeurent silencieux, rendant hommage à cette enfant qui n'a connu que la cruauté et l'abandon.

Alors que les derniers mots de la prière s'éteignent, une lueur surnaturelle emplit brièvement la crypte. Une fumée dorée et lumineuse s'élève du cercueil, évanescente comme un souffle, avant de disparaître vers les hauteurs invisibles. L'air semble se purifier, et un instant de silence absolu suspend le temps — plus de crépitements, plus de gouttes d'eau, plus de bruits parasites. Juste un instant de paix parfaite.

Puis les sons familiers reprennent, mais quelque chose a changé. Rose est libre.

Ils répètent le rituel pour Épine dans la crypte adjacente, où le nom de Epineboldt Durst est gravé au-dessus de la porte. À nouveau, la fumée dorée s'élève, libérant l'esprit du petit garçon de sa prison séculaire.

Marcus examine ensuite les deux autres cryptes. Au-dessus de la première, il lit le nom de Gustav Durst — le maître de maison, dont le portrait ornait le hall d'entrée. Le cercueil est vide. Dans la crypte d'en face, portant le nom d'Elisabeth Durst, le cercueil est également vide.

« Leurs corps ne sont pas ici », constate Cassius. « Qu'est-il advenu d'eux ? »

La question reste sans réponse, flottant dans l'air humide comme un présage.

Ils poursuivent leur exploration, empruntant un couloir qui s'étend vers le sud. Korven ouvre la marche, ses sens affûtés à l'affût du moindre danger. C'est alors qu'il s'arrête brusquement.

Le sol devant lui se soulève. Des mains décharnées, aux doigts griffus et aux chairs putréfiées, émergent de la terre meuble. Une première main, puis une deuxième, puis d'autres encore. Quatre silhouettes monstrueuses se dressent des ténèbres souterraines.

Les goules — car ce sont bien ces créatures nécrophages — se hissent hors de leurs fosses improvisées. Leurs corps squelettiques sont recouverts de lambeaux de chair grisâtre, et leurs yeux vides luisent d'une lueur affamée. Une puanteur de charogne et de terre humide les accompagne.

Gilda réagit immédiatement. Elle brandit son symbole religieux, le médaillon sacré qu'elle porte toujours sur son cœur, et invoque la puissance divine de son dieu.

« Par la lumière sacrée, reculez, créatures impies ! »

Une aura brillante émane du symbole, projetant des rayons de lumière pure dans l'obscurité du souterrain. Les goules hurlent, se protégeant les yeux de leurs mains griffues. Trois d'entre elles, terrorisées par cette manifestation du divin, s'enfuient en se bousculant dans les couloirs adjacents, cherchant désespérément à échapper à cette lumière insupportable.

Mais la quatrième, plus résistante ou plus affamée, parvient à résister à l'influence sacrée. Elle se jette en avant, toutes griffes dehors, vers Korven qui barre le passage.

Le guerrier pivote et abat son épée dans un grand arc diagonal. La lame mord dans la chair morte, tranchant profondément dans le torse de la créature. La goule chancelle mais ne s'effondre pas, animée par une faim qui transcende la mort.

Marcus, coincé derrière ses compagnons dans l'étroitesse du couloir, ne peut intervenir. « Je ne peux rien faire d'ici », constate-t-il avec frustration.

Cassius, également bloqué, cherche un moyen d'aider. « Je vais t'aider, Korven », déclare-t-il en se positionnant pour créer une diversion.

L'affrontement n'est pas terminé. Les trois goules qui ont fui sont rapidement rejoint par Gilda et Marcus. Elles tentent de contourner le rayonnement divin de Gilda, cherchant un angle d'attaque.

L'une d'elles parvient à s'approcher suffisamment pour bondir sur Gilda. Ses griffes s'abattent, mais la naine esquive d'un mouvement latéral et riposte avec son marteau de guerre. Le coup atteint la créature au flanc, la faisant reculer.

Dans la confusion, Korven progresse dans le deuxième couloir, suivant une goule en fuite. La lueur bleutée que Cassius a invoquée sur son épée illumine les ténèbres devant lui, transformant son arme en torche vivante.

« Merci Cassius ! » lance-t-il en s'élançant.

Il court dans les passages tortueux, tourne un premier angle, puis un second, et débouche dans une salle plus vaste. C'est une sorte de réfectoire souterrain, avec une longue table en bois rongée par l'humidité et plusieurs lustres rouillés suspendus au plafond bas. Au fond de la pièce, l'une des goules le regarde avec ses orbites vides.

Korven ne ralentit pas. Il charge, l'épaule en avant, et percute la créature de plein fouet. Sous l'impact, la tête de la goule s'écrase contre le mur de pierre avec un bruit écœurant. Le crâne se fracasse, projetant des fragments d'os et de matière grise, et le corps inanimé s'effondre au sol.

Il atteint une porte close et entend les goules de l’autre côté. Les deux pièces sont reliées. Ses instincts de guerrier lui soufflent d'être prudent, mais la fatigue du combat et l'adrénaline obscurcissent son jugement. Il colle son oreille contre le bois vermoulu pour écouter ce qui se trouve de l'autre côté.

C'est à cet instant précis qu'il sent quelque chose d'humide et visqueux lécher son oreille.

La porte n'est pas une porte. C'est une mimique.

La créature s'ouvre comme une gueule géante, révélant des rangées de dents acérées et une langue serpentine. Avant que Korven puisse réagir, les mâchoires se referment sur sa tête. Il sent les crocs transpercer sa chair, la douleur explosant dans son crâne. Puis vient la brûlure — l'acide de la salive de la mimique qui ronge sa peau.

Korven pousse un hurlement de douleur et se dégage violemment, laissant des lambeaux de chair dans la gueule de la créature. Le sang coule abondamment de son front, de ses joues, de son cou. Il titube, la vision trouble.

« Korven ! » crie Cassius en accourant.

Le magicien tente d'arrêter l'hémorragie, mais il n'a aucune formation médicale. Ses mains tremblent d'impuissance tandis que son ami s'effondre contre le mur.

Le guerrier, poussé par la rage et la douleur, invoque la fureur primale qui sommeille en lui. Ses muscles gonflent, ses yeux s'injectent de sang, et un rugissement bestial s'échappe de sa gorge. Dans un état second, il se redresse et abat son épée sur la mimique.

La lame mord profondément dans la chair caoutchouteuse de la créature. La mimique hurle — un son strident et inhumain — mais elle est loin d'être vaincue. Elle riposte avec ses tentacules, cherchant à entraver Korven, mais le guerrier en rage balaye les appendices d'un revers de main.

Pendant ce temps, dans le couloir principal, Marcus parvient enfin à se frayer un passage. Il lance une fléchette qu'il garde toujours sur lui, et le projectile vole droit vers la goule qui menace Gilda. Par un coup de chance extraordinaire, la fléchette se plante directement dans l'orbite oculaire de la créature, pénétrant profondément dans son crâne.

La goule vacille, la fléchette oscillant grotesquement dans sa tête. Elle tente de fuir, terrorisée par la lumière divine. Gilda profite de son mouvement pour frapper avec son marteau.

Mais c'est finalement Marcus qui porte le coup de grâce. Alors que la goule passe devant lui en titubant, le moine plante son bâton dans la nuque de la créature avec une précision chirurgicale. Le bâton traverse la chair morte et ressort de l'autre côté. La goule s'effondre, définitivement morte, un large trou béant à l'arrière du crâne.

Au fond de la salle, Gilda et Marcus découvrent la mimique qui se bat avec Korven et Cassius.

Marcus arrive en renfort, lançant une nouvelle fléchette qui se plante dans le corps de la mimique. Cassius, désespéré de ne pouvoir aider davantage, tente de la frapper avec sa dague, mais le coup est maladroit et inflige peu de dégâts.

C'est alors que Korven, porté par sa furie, rassemble toutes ses forces pour un dernier assaut. Il lève son épée à deux mains et l'abat en diagonale, tranchant la mimique en deux moitiés inégales. Les deux parties de la créature s'écroulent au sol dans un gargouillis immonde, libérant un flot de fluides corrosifs.

Le guerrier reste debout quelques instants, haletant, couvert de sang et d'acide, avant de s'effondrer contre le mur. La rage reflue, laissant place à une fatigue écrasante et une douleur lancinante.

Cassius et Marcus se précipitent à ses côtés. Le magicien examine ses blessures avec inquiétude. « Il lui faut des soins. Urgents. »

Gilda les rejoint, mais son visage est grave. « Je n'ai plus de pouvoir de guérison », avoue-t-elle. « Nous devons trouver un endroit sûr pour nous reposer. »

Le silence retombe sur le groupe. Ils se tiennent au milieu de cadavres de goules et de la mimique démembrée, dans les profondeurs d'un donjon maudit, blessés et épuisés.

Korven et Cassius se trouvent dans le réfectoire souterrain, une salle qui semble avoir servi de lieu de rassemblement pour les serviteurs de la famille Durst. Plusieurs lustres pendent du plafond bas, leurs chaînes rouillées témoignant de décennies d'abandon. Une table massive occupe le centre de la pièce, flanquée de deux chaises à hauts dossiers. Sur la table reposent une cruche et deux gobelets vides depuis longtemps, recouverts d'une épaisse couche de poussière.

Des chandeliers sont disposés le long des murs ouest, leurs bougies consumées jusqu'à la cire depuis des temps immémoriaux. L'atmosphère y est étouffante, lourde du poids des secrets et des atrocités commises dans ces lieux.

Gilda et Marcus sont de l’autre côté de l’ancienne porte. Ils découvrent une chapelle sinistre qui les glace jusqu'aux os. Des squelettes humains pendent aux murs, suspendus à des fers rouillés dans des postures grotesques. Certains ont les bras levés comme dans une supplique, d'autres sont recroquevillés comme s'ils avaient tenté de se protéger d'un mal invisible.

Au centre du mur sud se dresse une large alcôve contenant une statue de bois peinte. Elle représente un homme émacié au visage d'une pâleur cadavérique, drapé dans une grande cape noire. Sa main gauche blanche repose sur la tête d'un loup sculpté à ses côtés — un animal aussi décharné et menaçant que son maître. Dans sa main droite, l'homme tient un orbe de cristal gris et enfumé qui semble contenir une brume tourbillonnante.

Le visage de la statue est d'un réalisme troublant. Les yeux, bien que sculptés dans le bois, semblent observer les intrus avec une intelligence malveillante. La bouche est figée dans un sourire cruel qui révèle des dents anormalement pointues.

« C'est une représentation de Strahd », murmure Marcus en frissonnant.

La chapelle dispose de deux sorties : une vers l'ouest et une vers le nord. De l'ouest provient une psalmodie lugubre et incessante, des voix désincarnées qui récitent des incantations dans une langue oubliée. Le son semble résonner dans les murs eux-mêmes, omniprésent et oppressant.

Gilda serre son marteau avec nervosité. « Ces chants... ils ne sont pas naturels. »

Le groupe se réunit à nouveau, échangeant leurs découvertes. Korven, bien que blessé, refuse de montrer sa faiblesse. Marcus récupère ses fléchettes sur les cadavres des goules, vérifiant qu'elles ne sont pas endommagées — chaque ressource compte dans cet enfer souterrain.

« Nous ne pouvons pas continuer ainsi », déclare Cassius. « Nous devons nous reposer, récupérer nos forces. »

« Mais où ? » demande Gilda en scrutant les ténèbres environnantes. « Chaque recoin de cette demeure semble recéler un danger. »

« Nous n'avons pas le choix », répond Marcus. « Nous devons trouver un endroit que nous pourrons défendre, barricader une porte si nécessaire. »

Korven hoche la tête, s'appuyant contre le mur pour économiser ses forces. « Et ces chants à l'ouest... Qu'est-ce qui nous attend là-bas ? »

La question reste suspendue dans l'air vicié du souterrain. Les psalmodies continuent, inlassables, appelant peut-être d'autres horreurs encore tapies dans l'obscurité.

Les quatre aventuriers se tiennent à la croisée des chemins, littéralement et figurativement. Derrière eux, les cryptes où Rose et Épine ont enfin trouvé la paix. Devant eux, les mystères toujours plus sombres de cette demeure maudite. Et quelque part dans ces ténèbres, une vérité terrible les attend — une vérité sur la famille Durst, sur Strahd von Zarovich, et sur le prix qu'ils devront payer pour s'échapper de ce cauchemar.